Jeudi de l’UNIFA : Une soutenance qui met en lumière les défis de l’effectivité de la déclaration de patrimoine en Haïti

Le jeudi de l’UNIFA du 20 novembre 2025 s’est distingué par une ambiance inhabituelle au sein de la communauté unifariste. Au cours de cette séance, l’Université la Fondation Dr Aristide a vibré au rythme d’une soutenance de mémoire qui a mis en lumière l’un des grands défis de la gouvernance haïtienne : la lutte contre la corruption. L’étudiant en Sciences juridiques, Salomon Charles, a présenté un travail percutant en vue de l’obtention du grade de Licencié en Sciences juridiques. Intitulée « Analyse de l’effectivité de la Loi du 12 février 2008 portant déclaration de patrimoine par certaines catégories de personnalités politiques, de fonctionnaires et autres agents publics », sa recherche révèle un large fossé entre la volonté affichée par la loi et la réalité de son application, dressant le constat d’un outil essentiel paralysé par l’impunité.

Dès l’introduction, l’impétrant souligne la pertinence de son sujet : la déclaration de patrimoine, un outil essentiel de bonne gouvernance, demeure peu appliquée en Haïti. Alors que cette obligation vise à favoriser la transparence, prévenir l’enrichissement illicite et renforcer la confiance dans les institutions, elle se heurte à un sérieux problème d’effectivité.

Pour mieux comprendre ce décalage entre la norme et sa mise en œuvre, Salomon Charles a formulé une question centrale: Dans quelle mesure la loi du 12 février 2008 est-elle appliquée de manière effective en Haïti ? Son hypothèse principale avance que l’application partielle de cette loi, combinée au manque de sanctions effectives, compromet sérieusement son rôle dans la lutte contre la corruption.

Son travail vise à évaluer le niveau d’application de cet outil dans le contexte haïtien et poursuit trois objectifs spécifiques :

  • évaluer le niveau réel de respect de la déclaration de patrimoine par les catégories concernées ;
  • analyser les impacts liés à son application;
  • examiner l’efficacité des sanctions et comparer les dispositifs haïtiens avec ceux de la France.

Pour étayer son analyse, l’étudiant s’est appuyé sur deux grandes théories : le positivisme juridique, selon lequel le droit doit être appliqué de manière objective et impersonnelle, et la théorie de la puissance publique, qui rappelle le devoir de l’État de faire respecter les normes, même face aux résistances individuelles. Ces deux cadres renforcent l’idée que l’État haïtien a non seulement le pouvoir, mais aussi l’obligation d’assurer l’application stricte de la déclaration de patrimoine et de sanctionner les manquements.

Sur le plan méthodologique, Salomon a combiné approche qualitative et quantitative. L’analyse documentaire lui a permis d’examiner les normes, rapports et textes pertinents, tandis que les données chiffrées fournies par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) ont servi à mesurer le niveau de conformité. Cependant, il reconnaît plusieurs contraintes : manque d’accès aux acteurs institutionnels, absence de données récentes, et rareté des documents de déclaration de patrimoine, limitant ainsi certaines analyses plus poussées, notamment le croisement des informations.

Son mémoire est structuré en deux grandes parties: la première explore le cadre normatif et institutionnel entourant la déclaration de patrimoine en Haïti ; la seconde évalue l’application concrète de cette norme, avec une attention particulière aux sanctions prévues.

Les résultats sont sans équivoque :

  • le non-respect de la loi est massif. Les chiffres disponibles révèlent un taux de conformité alarmant : seulement 9,8 % des personnes visées ont respecté la loi entre 2008 et 2022, laissant ainsi plus de 90 % des responsables publics en totale violation d’une obligation constitutionnelle, conventionnelle et légale.
  • les sanctions sont inadaptées et rarement mises en œuvre ;
  • en comparaison, la France mise davantage sur la force dissuasive des sanctions pénales, ce qui renforce l’application de l’obligation.

Pour remédier à cette situation, le jeune chercheur formule plusieurs recommandations : clarifier l’article 18 de la loi de 2008, particulièrement en lien avec l’éventuelle entrée en vigueur du nouveau code pénal ; appliquer réellement les sanctions existantes ; instaurer un système de sanctions graduées ; autoriser la publication des déclarations de patrimoine ; et établir un rapport annuel d’évaluation de cet outil.

En somme, ce mémoire met en lumière un enjeu crucial pour la gouvernance en Haïti : une loi, même bien conçue, demeure symbolique si elle n’est ni appliquée ni renforcée par des mécanismes de contrôle efficaces. Le travail de Salomon Charles apporte ainsi une contribution importante à la réflexion nationale sur la transparence et la lutte contre la corruption.

 

 

 

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