« Le 16 décembre 1990 est une date mémorable qui a glorieusement marqué l’histoire de notre pays. Le 16 décembre 1990, la nation haïtienne, debout en un seul homme, avait porté son choix sur un idéal politique. Ce jour-là, le peuple haïtien a élu démocratiquement son premier président, Jean-Bertrand Aristide. Malheureusement, cette transition démocratique a été brutalement interrompue le 30 septembre 1991. Trente-deux ans après, quel est l’état de la situation ? ». C’est par ces mots que la Doyenne de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de la Fondation Dr Aristide, Me Joselaine Mangnan, a ouvert, ce 15 décembre, le deuxième jeudi de l’UNIFA pour l’année académique 2022-2023.
Organisé autour du thème « 16 décembre 1990 à la lumière des Sciences Juridiques et Politiques », ce jeudi de l’UNIFA n’a pas manqué d’assouvir la curiosité des étudiants, professeurs et membres du personnel administratif présents à l’auditorium. Pour cette conférence, deux éminences ont constitué le panel. Il s’agit de Monsieur Joël Vorbe et Me Emmanuel Raphaël. Me Raphaël est détenteur d’un Master 2 en Droit public et enseigne le Droit administratif à l’UNIFA. Quant à M. Vorbe, il a fait des études en gestion hôtelière et en art culinaire. Il est membre du parti Fanmi Lavalas et possède plusieurs entreprises dans le pays.
Selon M. Vorbe, le 16 décembre 1990, le fondateur de l’UNIFA, Dr Aristide, n’avait que 37 ans et menait déjà un combat important pour l’émancipation du peuple haïtien. Cette date marque, pour lui, un tournant dans notre vie de peuple. « 16 décembre 1990, c’était le jour où la majorité de nos parents se sont reconnus des êtres humains. C’est une date que nous ne devons jamais oublier. A l’époque, les différentes catégories de la population étaient unies. Et, c’était cette union qui a permis l’établissement de la démocratie en Haïti », a-t-il dit
« Malheureusement, ce rêve qu’on avait en commun, comme on ne pouvait pas le réaliser collectivement, on s’est laissé diviser », a-t-il regretté. « En 2010, ils ont réalisé quelque chose d’extraordinaire pour briser le rêve démocratique que nous avons choisi le 16 décembre 1990. Ils ont réalisé une élection. Après le scrutin, ils ont pris le candidat qui était à la cinquième, sixième ou septième position pour le mettre à la deuxième place en vue de réaliser le projet des [blancs] », a ajouté M. Vorbe.
Pour remettre Haïti sur les rails du changement, l’entrepreneur exhorte les jeunes à faire de bons choix. « Je vous encourage à penser au 16 décembre 90 qui doit être gravé dans votre mémoire comme une date historique. Si à 37 le Président Jean-Bertrand Aristide pouvait se hisser à la tête du pays, aujourd’hui la majorité d’entre vous n’est pas loin d’avoir cet âge, commencez donc à vous engager. La route du changement est entre vos mains », a-t-il suggéré.
Si M. Vorbe a analysé l’événement du 16 décembre 1990 sous un aspect politique, Me Raphaël l’a abordé de manière juridique. Selon le juriste, le 16 décembre 1990 est un tournant. « C’est un événement tournant. C’est un événement qui vient terminer un processus qui avait commencé le 7 février 1986. C’est également un événement qui va donner l’énergie pour la construction du nouvel ordre démocratique », a-t-il déclaré.
Me Raphaël voit le 16 décembre 1990 comme étant la date qui marque deux périodes : la rupture définitive avec la dictature des Duvalier et le commencement d’un nouvel ordre démocratique. « Le départ du dernier des Duvalier le 7 février 1987 est le commencement de la rupture. Cette rupture a continué par le vote de la constitution le 29 mars 1987. Mais le vote de la constitution ne suffisait pas, il était nécessaire d’instituer un pouvoir démocratique légitime et civil. Donc, le 16 décembre 1990 est la date où le processus de rupture avec la dictature s’est achevé. C’est cette date qui va constituer le point de départ du nouvel ordre démocratique », a révélé le lauréat du Prix « Bâtonnier Monferrier Dorval ».
Après avoir passé en revue les acquis démocratiques consolidés à travers la constitution de 1987, Me Raphaël a mis un accent particulier sur l’importance du 16 décembre 1990. D’après lui, c’est une grande date dans le sens qu’elle nous a permis de renouveler le personnel politico-administratif. « On a la mise en place des institutions politico-administratives à travers un président, des parlementaires, des autorités locales élus démocratiquement. Il y a également un nouveau processus de nomination des juges. Dorénavant, le président de la république n’a plus de pouvoir discrétionnaire de nommer les juges. La nomination des juges d’appel, de première instance et de paix vient des représentants des assemblées départementales, communales et section communales. C’est le renouvellement de tout le personnel politico administratif », a-t-il souligné.
Après les deux interventions, les discussions entre panélistes, étudiants et professeurs autour de cette date historique ont été animées, prolifiques et enthousiastes. Ce jeudi de l’UNIFA a marqué les esprits et suscite encore des interrogations sur les expériences vécues depuis ces 32 ans.