L’Initiative citoyenne face à la législation
La construction du canal sur la rivière massacre, est perçue comme une noble initiative, embrassée par toute une communauté. Cet engouement ne s’est pas enlisé dans les méandres et intrications des lois nationales et internationales, mais plutôt s’est étendu à la nation, supportée par sa diaspora. Ainsi se crée une ambivalence. Vox populi vox Dei, la voix du peuple est la voix de Dieu. Cependant, l’homme quoique né libre, avec le droit de rechercher son bien-être, vit dans un monde régi par des lois ; jusqu’où peut-il aller dans sa quête d’un idéal ? Une quelconque entité étatique : mairie, ministère de l’environnement, ministère des travaux publics, a-t-elle le mot du droit ?
Ce Jeudi 23 novembre 2023, à 11 heures à l’auditorium du campus, un Juriste originaire de la région concernée, Professeur d’Université, Me Raphaël Emmanuel, a offert à la communauté unifariste un « éclairage juridique » sur cette activité, porteuse d’espoir pour toute une nation.
Le « jeudi de l’UNIFA » de cette semaine a mis en lumière un sujet crucial, d’actualité et d’intérêt national, à savoir : « L’aspect juridique du canal d’irrigation sur la rivière Massacre ». Prononcée par le professeur de droit administratif, Me Emmanuel Raphaël, cette conférence a apporté un éclairage essentiel sur les implications légales entourant les travaux en cours.
En effet, depuis plusieurs mois, les citoyens de Ouanaminthe, dans le nord-est d’Haïti, ont pris l’initiative de poursuivre les travaux du canal d’irrigation initiés en 2018 par l’Etat haïtien. Alimentée par la rivière Massacre, cette infrastructure hydraulique vise à irriguer plus de 3 000 hectares de terres dans la plaine de Maribaroux.
Intervenant sur cette question, le Professeur Emmanuel Raphaël, spécialiste en droit interne, a d’entrée de jeu expliqué que le canal en construction peut être abordé tant sur le plan du droit international que du droit national. Dans le cadre de cet exposé, il a déclaré avoir opté pour une analyse basée sur le droit interne.
Selon Me Raphaël, le domaine national, autrement dit tout ce qui appartient à l’Etat, est divisé en deux catégories de bien : domaine public et domaine privé de l’Etat. Le domaine public de l’Etat, d’après lui, c’est l’ensemble des choses qui ne sont pas susceptibles d’être appropriées par quelqu’un, et même par l’Etat, et dont nous avons la jouissance commune. Cette notion a été définie par la loi du 22 septembre 1964.
Le professeur a pris le temps d’énumérer, suivant l’article 2 de la loi précitée, les biens faisant partie du domaine public de l’Etat. Il en a profité pour faire comprendre à l’assistance que le canal fait partie des biens publics de l’Etat. « Donc, l’article 2 a déjà donné un statut au canal dans le droit interne », a-t-il précisé.
Il a poursuivi son argumentation pour distinguer deux types de biens du domaine public, à savoir : les biens du domaine public naturel et les biens du domaine public artificiel. Les biens du domaine public naturel sont ceux qui ont été créés par la nature, par exemple : les rivières, les fleuves, les lacs, les étangs, les ilots, etc. Par contre, les biens du domaine public artificiel ont été construits par l’Etat pour une jouissance commune, par exemple : les ports, les routes, les canaux, etc.
Me Raphaël a examiné la question de la propriété privée des terrains par lesquels passe le canal, en mettant en évidence deux instruments dont dispose l’Etat pour garantir l’intérêt général, à savoir l’expropriation et la servitude. Il a clairement spécifié que l’Etat a le pouvoir d’exproprier pour cause d’utilité publique, car la propriété privée se limite aux causes d’intérêt général. Les servitudes d’utilité publique, prévues par la loi du 3 septembre 1979, sont des assujettissements ou charges permanentes et obligations établis par les lois, arrêtés et règlements imposés dans l’intérêt général de la collectivité, a-t-il indiqué.
Ce jeudi de l’UNIFA a offert une belle opportunité aux étudiants et professeurs de pouvoir discuter des aspects juridiques entourant le canal en construction à Ouanaminthe. Il a joué un rôle clé en éclairant les participants sur les implications légales de ce projet et en encourageant une réflexion approfondie sur les pouvoirs dont dispose l’Etat pour servir l’intérêt général. Par cette conférence, l’Université de la Fondation Dr Aristide montre sa volonté de jouer un rôle actif dans l’éclaircissement des questions d’intérêt national pour le développement de notre chère Haïti.