La deuxième journée de la Semaine Scientifique a été marquée par une conférence percutante du Dr Jacques Jean Vernet, professeur de méthodologie à la Faculté d’Odontologie de l’Université de la Fondation Dr Aristide. Devant un auditoire captivé, il a retracé avec rigueur l’histoire douloureuse de la dette de l’indépendance imposée à Haïti, soulignant les mécanismes injustes par lesquels la jeune nation fut contrainte de verser 150 millions de francs-or à l’ancienne puissance coloniale.
Dans une approche méthodique, le conférencier a rappelé que cette dette fut exigée en 1825 par le Roi Charles X, qui dépêcha une flotte de guerre pour intimider le président Boyer. L’indemnisation réclamée par les anciens colons français incluait la valeur des plantations, des manufactures sucrières et des esclaves “perdus”. Incapable de réunir une telle somme, Haïti fut poussée à s’endetter auprès de banques françaises, entrant ainsi dans un cycle d’endettement qui allait peser sur son développement pendant plus d’un siècle.
Le Dr Vernet a mis en lumière le long silence – « l’omerta » – qui a entouré cette dette, aussi bien sur ses effets économiques que sur l’absence de revendications officielles. Il a souligné que cette chape de plomb a commencé à se fissurer en avril 2003, lorsque le Président Jean-Bertrand Aristide, dans un discours historique, a exigé réparation et restitution. Selon lui, cette prise de position a marqué un tournant : la fin du silence et le début d’un nouveau combat pour la justice historique.
Le professeur s’est ensuite penché sur les récentes avancées diplomatiques, notamment la décision du Président Emmanuel Macron d’instaurer une commission franco-haïtienne sur la question, à laquelle une commission haïtienne doit désormais répondre. « L’histoire est en train de prononcer son verdict », a-t-il déclaré, optimiste quant à une issue favorable. Il a conclu son intervention en lançant un appel à la mobilisation : « Que devons-nous faire maintenant ? »
La suite de la journée a mis en valeur la créativité et l’engagement des étudiants à travers des présentations régionales. Les étudiants de l’Artibonite ont livré une pièce de théâtre poignante retraçant les grandes étapes de la dette : de la colonisation à la demande de restitution. Le Nord-Est, de son côté, a mis l’accent sur les richesses naturelles du département et démontré comment les fonds de la dette auraient pu transformer le destin du pays. Enfin, le groupe des Nippes a proposé une performance artistique mêlant déclamation, musique et danse, illustrant la période esclavagiste et les espoirs liés à une éventuelle restitution.
Cette journée dense et émouvante a démontré que la mémoire historique peut devenir un puissant levier d’unité et d’engagement pour la jeunesse haïtienne. Plus qu’un devoir de mémoire, il s’agit désormais d’un appel à l’action.