La troisième journée de la Semaine Scientifique à l’Université de la Fondation Dr Aristide a connu un moment fort avec l’intervention du magistrat Loubens Elysée, qui a abordé les perspectives de discussions entre Haïti et la France concernant la restitution de la rançon de l’indépendance. Il a d’emblée souligné que les nations ayant traversé des situations similaires ont réussi à engager des démarches légales et diplomatiques pour obtenir réparation.
Dans une réflexion profonde sur l’écriture de l’histoire, M. Elysée a affirmé que les pages de l’histoire d’Haïti avaient été écrites par les vaincus et non par les vainqueurs, laissant une trace de douleur et de souffrance. Selon lui, chaque lecture de ces événements réveille la tristesse, ce qui justifie l’initiation de poursuites contre les responsables.
Le magistrat a cité l’exemple récent des débats sur la réparation de l’esclavage aux États-Unis et en Angleterre, soulignant que certaines institutions, comme l’Université de Cambridge, réexaminent leur passé colonial et leurs liens financiers avec l’esclavagisme. « Encore récemment le thème de la réparation de l’esclavage est revenu sur le devant de la scène aux Etats-Unis et en Angleterre. Certaines universités prestigieuses dont l’Université de Cambridge s’interrogent sur leur passé colonial : dans quelle mesure ont-elles bénéficié financièrement de l’esclavagisme ou en ont-elles fait la promotion ? », a-t-il révélé.
- Elysée a ensuite introduit un concept central dans son exposé : la justice transitionnelle. Il en souligne la complexité et l’importance dans l’évaluation des engagements politiques réels en faveur de la transformation des structures injustes héritées du passé colonial. « Une évaluation correcte de la signification de la notion de transition est essentielle pour redéfinir la justice transitionnelle afin qu’elle puisse être utilisée pour évaluer efficacement si les démocraties dites établies, notamment en France, font face à leur passé colonial d’une manière propice à la justice sociale», a-t-il indiqué, tout en précisant que cette transition n’a pas une définition figée de la justice ou de la démocratie.
Dans une approche normative, selon lui, la transition est un outil critique, très utile pour la justice puisqu’elle fournit un critère clair pour évaluer la réalité de l’engagement politique en faveur de la transformation des structures injustes. Cette perspective donne une profondeur nouvelle aux revendications haïtiennes, notamment en matière de réparation et de respect de la souveraineté.
La journée s’est poursuivie avec les présentations des étudiants originaires du Nord-Ouest et de la Grand’Anse. Le groupe de la Grand’Anse a particulièrement marqué les esprits en exposant l’impact historique et économique de la dette sur leur région, et plus largement sur le pays. « La dette a été utilisée comme un instrument d’ingérence. Haïti ne demande pas la charité, mais le respect », ont-ils déclaré avec conviction.
Cette journée a été une véritable occasion de réflexion sur la restitution et la justice historique, marquée par des échanges riches et une participation enthousiaste des étudiants.