L’Université de la Fondation Dr Aristide a accueilli, ce 23 octobre, dans le cadre du « jeudi de l’UNIFA », l’Agronome Roger Rosen Jasmin. À travers une conférence sur « L’impact de la Peste Porcine Africaine (PPA) au début des années 80 sur l’élevage porcin en Haïti », il a invité l’assistance à une réflexion approfondie sur l’avenir de cette filière dans le pays.
Au cours de son intervention, l’agronome Jasmin a d’abord présenté la nature et les caractéristiques de la maladie. Selon lui, la Peste Porcine Africaine est une maladie virale hautement contagieuse qui touche aussi bien les porcs domestiques que sauvages, quel que soit leur âge. Elle entraîne des pertes économiques considérables et représente une menace sanitaire majeure pour les pays touchés.
Très résistante, la PPA se propage rapidement, favorisée par les échanges commerciaux internationaux et les mouvements d’animaux et de produits dérivés.
Une maladie redoutable et difficile à contrôler
L’agronome a expliqué que le virus responsable de la PPA, un virus à ADN du genre Asfivirus appartenant à la famille des Asfarviridae, peut rester viable pendant de longues années dans le sang. La transmission s’effectue soit par contact direct entre animaux sains et malades, soit par voie indirecte, notamment à travers les objets contaminés, la nourriture ou le transport d’animaux infectés.
Parmi les symptômes les plus fréquents, il a cité la forte fièvre, les hémorragies cutanées et internes, ainsi qu’un taux de mortalité particulièrement élevé. La période d’incubation varie entre cinq et dix jours. Dans sa forme chronique, la maladie provoque perte de poids, nécroses cutanées, ulcères et raideur articulaire, évoluant lentement sur plusieurs mois.
Un coup dur pour le monde rural haïtien
Revenant sur la situation avant l’épidémie, l’agronome Jasmin a rappelé qu’avant 1978, Haïti comptait plus d’un million de porcs, et près de 80 à 90 % des ménages ruraux en possédaient au moins un. Véritable « banque sur pattes », le porc représentait un pilier économique et social pour les familles paysannes.
Un porc acheté 50 gourdes pouvait être revendu entre 300 et 750 gourdes après engraissement, permettant aux paysans de faire face aux imprévus, de payer les frais scolaires ou même d’acquérir des terrains.
L’entrée de la maladie et la réponse de l’État
L’orateur a ensuite retracé l’historique de l’introduction de la PPA en Haïti. Découverte en République Dominicaine en juillet 1978, la maladie a rapidement inquiété les autorités haïtiennes. Le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) mit alors en place un cordon sanitaire le long de la frontière, allant de la baie de Manseline à Anse-à-Pitres.
Dans cette zone tampon de 15 km, plus de 21 000 porcs appartenant à près de 8 000 éleveurs furent abattus en trois mois, dans une tentative d’empêcher la propagation du virus. Malgré ces mesures drastiques, la maladie finit par se propager sur tout le territoire.
Le programme PEPPA/DEP et ses limites
Face à l’ampleur de la crise, l’État haïtien sollicita l’aide internationale pour éradiquer la maladie, donnant naissance au Programme d’Éradication de la Peste Porcine Africaine / Développement de l’Élevage Porcin (PEPPA/DEP).
Si le programme permit effectivement de supprimer la PPA, il eut des conséquences socio-économiques dramatiques. Le processus d’éradication s’accompagna d’une destruction totale du cheptel porcin haïtien, sans qu’un véritable programme de repeuplement ne soit mis en œuvre, contrairement à la République Dominicaine, où la filière porcine put être relancée.
Un héritage toujours douloureux
En conclusion, l’agronome Jasmin a souligné que cette période a marqué un tournant tragique pour la paysannerie haïtienne. La disparition du porc créole – parfaitement adapté aux conditions locales – a profondément désorganisé les systèmes agricoles et affaibli la résilience économique des ménages ruraux.
Cette présentation a offert aux participants un éclairage historique précieux sur une page sombre de l’agriculture haïtienne et sur la nécessité de politiques agricoles durables et adaptées aux réalités locales.





